le premier descriptif CANAKKALE
Le carrefour des influences
euroméditerranéennes
La Turquie
Les vestiges découverts sur le site de Çatal
Hüyük forment incontestablement un des sommets de l’art néolithique. Le tell a
révélé douze niveaux d’occupation (de 6500 à 5700 av. J.-C.). L’habitat est de
type agglutiné, sans rue ; les motifs picturaux, les reliefs, la statuaire
dénotent une remarquable inspiration ; l’ensemble concourt à forger
l’image d’une culture originale, confirmée par les découvertes, dans le sud-est
de l’Anatolie, d’autres sites remarquables de cette époque: Çayönü, Nevali
Çori.
Au début de l’Age du
Bronze le peuple hatti habitait l’Anatolie. Sa civilisation (2500-2000 av.
J.-C.), qui avait atteint un haut niveau de culture, exerça une influence
décisive sur les Hittites implantés ultérieurement. Le nom même de Hattusa, la
capitale hittite, indique son origine hattie. La civilisation hittite résulte
de cultures régionales successives tout en incorporant des éléments d’influence
étrangère. Ces contacts fructueux ont abouti à l’éveil du génie propre à
l’Anatolie, ainsi qu’en témoigne le site de Alaca Höyük
Troie résonne
des échos de la légende et donne rendez-vous à l’histoire. Mentionnée dans
l’Iliade, la ville mythique tenait son rang dès le début de l’âge du bronze et
a été occupée jusqu’aux époques hellénistique et romaine. La richesse des
vestiges (remparts, palais royal, trésors) témoigne de ces différentes
occupations.
Au temps des
invasions indo-européennes (Hittites, Louvites, Palaïtes) en Asie Mineure,
l’Anatolie était également peuplée, outre les Hattis, de populations hourrites
au sud-est, tandis qu’en Cappadoce prospéraient des comptoirs assyriens, traces
d’un commerce régulier avec la Mésopotamie. Plusieurs
De l’ancien royaume
hittite (1750-1450 av. J.-C.) ont émergé les murs cyclopéens de la
citadelle de Hattusa. A l’époque de l’empire hittite (1450-1150 av. J.-C.),
la sculpture et l’architecture atteignent le monumental : en témoignent
les systèmes défensifs de Hattusa et de Alaça, et les temples de la capitale.
Le sanctuaire de Yazilikaya, où s’observe une procession des divinités du
panthéon officiel, constitue un exemple remarquable et unique des conceptions
religieuses de ce peuple. Mentionnons également à Bogazköy-Hattusa les lions de
la porte et les sphinx à Alaça. Les peintures murales de Nuzi forment un
exemple de l’art du royaume du Mitanni qui étendait à l’est et au sud-est
l’influence des Hourrites, et atteignit son apogée vers le milieu du second
millénaire.
L’émergence de
l’influence louvite (1180-690 av. J.-C.) succède à l’effondrement de l’empire.
Le grand relief de Malatya est un exemple de l’évolution du style artistique
qui prévalait sous l’empire. Quant à Karkemish et Zinçirli, s'y est développé
un art qui leur est propre. Apparaissent vers la fin de cette époque les styles
hittito-assyriens (reliefs de Karkemish), hittito-araméen (sculptures de
Zinçirli, Sakçegözü, Maras), louvito-phénicien (sculptures de Karatepe), sans
compter les nombreuses inscriptions en louvite hiéroglyphique.
La civilisation des
Phrygiens, originaires des Balkans, s’est développée au centre de l’Asie
Mineure (750-300 av. J.-C.). Les principales découvertes furent effectuées à
Gordion (la capitale), à Alisar, Alaça, Pazarli, Bogazköy. Après une invasion
cimmérienne (VIIIe-VIe siècle), les Phrygiens connurent
une deuxième période favorable révélée par les monuments et les tombes de
Eskisehir et Alfyon, et la roche taillée d’Arslankaya présente un
remarquable relief de Cybèle. La civilisation des Lydiens, Lyciens et
Cariens apparut à la même époque au centre et à l’ouest de
l’Anatolie : Sardis, capitale des Lydiens, a livré d’importants
vestiges ; à noter les ruines de Xanthos, parmi les plus exceptionnelles
de l’Anatolie, et les tombes de cette capitale lycienne, ainsi que celles de
Limyra, d’Antiphellos.
La pénétration
hellénique en Asie Mineure s’est effectuée à l’Age du Bronze tardif, sous la
période hittite, et s’est poursuivie pendant l’Age du Fer et la période
persique (11e–4e av. J.-C.), puis après la conquête
d’Alexandre le Grand. Ainsi que le révèlent les découvertes de Troie et de
nombreux sites archaïques et classiques, les cultures grecques et anatoliennes
subirent des influences réciproques.
Lors de la période
hellénistique (300-30 av. J.-C.), certaines cités exercent leur
influence : Pergame (frises du grand autel), Sardes, Ephèse, Milet,
Didymes. Un certain syncrétisme s’est opéré dans le sillage des conquêtes
d’Alexandre. Hermogenes bâtit le temple de Dionysos à Teos et l’Artémision de
Magnesia ; quant au temple corinthien situé à Uzuncaburç, près de Silifke,
il mérite d’être citer. Pendant le IIe siècle avant notre ère sont
érigés de grands monuments: les frises de l’autel de Zeus à Pergame,
l’ornementation du temple d’Apollon à Chryse en Troade, le temple de Zeus à
Aizanes. A noter l’entrée de l’agora à Milet, mais également la tombe de
Mylasa, le temple de Zeus à Euromos, en Carie, ou encore le théâtre de
Termessos.
Le roi hellénique de
Pergame lègua son royaume aux Romains qui créèrent la province d’Asie (dont le
nom provient de la région hittite de l’Assuwa, où se trouvaient Troie et Assos).
Mais, si la culture gréco-romaine s’étendit en Asie Mineure, les civilisations
anatoliennes multiséculaires n’en survécurent pas moins.
Plus tard, l'apôtre
Paul introduisit le christianisme en Anatolie, et fonda les sept églises d'Asie
Mineure (Ephèse, Laodicée, Pergame, Philadelphie, Sardes, Smyrne,
Thyatira). Puis l’Asie Mineure fait partie de l’Empire romain d’Orient (empire
byzantin) ; églises et monastères sont creusés dans le roc de la vallée de
Gorême (Cappadoce). Enfin, tandis que le Sultanat seldjoukide de Roum
s’installe à Konya, se succèdent l’Empire latin de Constantinople, l’Empire de
Nicée, le royaume de Trébizonde. C’est à partir de 1300 qu’apparaît une
mosaïque d’Emirats turcs préfigurant l’empire ottoman. Celui-ci contribua
à enrichir ce terreau culturel, dont la République
Istanbul semblait
ainsi être un site désigné pour l’implantation d’un musée des écritures et des
racines des civilisations euro-méditerranéennes. Cependant, après une première
mission de prospection, il apparaît clairement que Çanakkale constituerait un
meilleur choix : la région est méditerranéenne, située aussi bien en Asie
qu’en Europe, au carrefour de l’Anatolie, de la mer Egée et des Balkans, et
représente un patrimoine archéologique et historique particulièrement remarquable :
pendant l’Age du Bronze, Troie était aussi bien louvite anatolienne que
grecque, d’après Homère et les découvertes archéologiques ; puis s’y
établirent les Proto-Phrygiens, au début de l’Age de Fer. Dans le courant du Ve
siècle avant J.-C., les Perses jetèrent un pont entre Abydus (proche de la cité
de Çanakkale) et Sestus (près d’Eceabat) ; beaucoup plus tard, les
Ottomans bâtirent une forteresse afin de contrôler le détroit des
Dardanelles ; puis Britanniques, Australiens, Néo-Zélandais, Français,
Africains et Turcs s’affrontèrent sur la péninsule de Gelibolu. C’était le
temps des guerres, auquel la paix succéda. Çanakkale, un pont entre les
civilisations, un carrefour des cultures, un lieu pour la paix.