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un musée pour la paix
18 septembre 2007

le premier descriptif MONT CARMEL

Mont Carmel

Du nomade au sédentaire

 

 

  Au cours des IVe et IIIe millénaires avant notre ère, la région du Mont Carmel connaît les influences des peuples nomades ou semi-nomades qui sillonnaient alors le « pays de Canaan », c’est-à-dire

la Syrie-Palestine. A

partir du IIIe millénaire, des documents écrits (cunéiformes ou hiéroglyphes) fournissent les noms de certains de ces peuples, dont les plus connus sont les Amorrites et les Sutéens (ce dernier terme pouvant désigner les peuples nomades en général). Plus tard interviennent les Hanéens, les Benjaminites et les Araméens ; quant aux Habiru, leur cas est encore discuté, surtout pour ceux de Syrie-Palestine. 

 

  En Palestine, l’âge du Bronze Ancien (vers 3300-2000) marque le passage à une civilisation urbaine reposant sur une économie agricole. Mais vers le milieu du IIIe millénaire les villes disparurent brutalement et l’on assista à un retour à des modes de vie semi-nomades ou villageois. Ce phénomène pourrait s’expliquer par l’instabilité provoquée par les invasions amorrites et par un changement des conditions climatiques. Le IIe millénaire est marqué en Syrie-Palestine par une renaissance de la vie urbaine, l’apparition de nouvelles technologies (céramique, métallurgie), et la multiplication de documents écrits provenant d’Egypte, de Mésopotamie et de Syrie. La simple énumération des villes fortifiées de Palestine (Ez-Zib [Akzib], Kabri, Akko, Dan, Hazor, Megiddo, Sichem, Silo, Jéricho, Jérusalem…) suffit à révéler un développement démographique important.

 

  Vers le milieu du IIe millénaire les documents épigraphiques concernant cette région deviennent plus abondants, provenant des archives hittites (de Hattusa-Boghazköy en Turquie), d’El Amarna en Egypte, d’Ougarit sur la côte syrienne, sans oublier plus anciennement ceux de Mari ou d’Ebla en Syrie. Tous ces écrits ont révélé qu’à côté des peuples nomades, semi-nomades ou sédentarisés, une autre population est venue se mêler à ce fond « cananéen », pour finir par y être totalement intégrée. Il s’agit des peuples hourrites, des Mitanniens, dont l’histoire et la langue restent encore en partie à reconstituer, et dont l’importance politique et culturelle dans le Proche-Orient du IIe millénaire est désormais établie. Descendus des montagnes du sud de la mer Caspienne ou des monts du Zagros, probablement dès le IIIe millénaire, les Hourrites s'implantent de

la Haute Mésopotamie

(Djézireh) jusqu'à la côte syrienne, et de l’Anatolie hittite, du massif ourartien (lac Van), vers l’Euphrate Moyen et

la Palestine. Ces

migrations ont progressivement touché toutes les parties du Proche-Orient ancien.

 

  A l'époque de

la XVIIIe

dynastie, les Égyptiens utilisèrent le terme Hor ou Hur(r)u pour désigner

la Palestine

et une partie de

la Syrie

, ainsi que sa population. La pénétration d’un grand nombre de Hourrites en Canaan fut donc assez importante pour justifier cette désignation. Les lettres d’El Amarna (entre 1450 et 1350) mentionnent certains de ces « chefs de cité » de Palestine-Canaan, dans les régions contrôlées à l’époque par l’Égypte. Si la plupart de ces princes portent des noms sémitiques, en particulier ceux de la côte phénicienne, comme à Byblos (Gubla), Tyr, Sidon, etc., nombreux sont ceux qui portent aussi des noms hourrites ou indo-aryens, comme à Mégiddo, Ta‘anek, Gath-Carmel (Ginti-kirmil), Jérusalem (Urushalim) et peut-être Hébron. Un souverain de Gath-Carmel porte un nom typiquement hourrite et répandu : Tagi ou Tagu (« beau »). La capitale de Gath-Carmel était Ginti-kirmil ou Ginti. A noter que ce Tagi était le beau-père de Milkilu de Gézer, ce qui suppose une certaine forme de mixité de la population.

 

   Pour cette région de

la Palestine

, les lettres d’El Amarna fournissent aussi, outre les noms ouest-sémitiques, akkadiens, hourro-mitanniens et égyptiens, quelques anthroponymes kassites et anatoliens (hittites et louvites). Ces documents, en complément des textes hittites, ougaritains, assyriens et babyloniens, mentionnent souvent des groupes nomades ou semi-nomades, qui créèrent de nombreux problèmes aux peuples sédentaires, en Syrie-Palestine en particulier. Ainsi les Sutéens (les Shashu des textes égyptiens), les Habiru et les Ahlaméens (Ahlamayyu), ancêtres des Araméens. Les Habiru formaient un groupe de personnes au statut flou, qui s’est répandu de

la Mésopotamie

à

la Méditerranée

et de

la Mer Noire

à l’Egypte, pendant le IIe millénaire, souvent en rapport, selon les époques et les lieux, avec les Hourrites ou leurs mouvements. Ils peuvent porter des noms babyloniens, kassites, amorrites, hourrites, rarement « cananéens ». Les lettres d’El Amarna en font souvent mention comme d’une population redoutable et turbulente qui menace les vassaux des Egyptiens, en Syrie et en Palestine.

 

  C’est dans ce contexte que se déroule la geste des patriarches bibliques, aux différentes époques supposées pour leurs pérégrinations. Les futures tribus hébraïques auraient d’abord nomadisé aux abords des villes d’Ur et de Harrân, adorant les dieux lunaires qui constituaient le panthéon commun des deux cités; la famille d’Abraham semble porter des noms qui se fondent dans la mythologie de ces cités, sur lesquelles veillaient le dieu Sîn et sa parèdre Ningal. Lorsqu'ils s’installèrent en Canaan, les nomades hébreux doivent avoir adopté des coutumes de leurs prédécesseurs,

la Syrie-Palestine

étant déjà marquée des modèles culturels hourrites bien avant le XIIIe siècle, renforcés par l’afflux d'immigrants hittites après la chute de l’Empire. Les tablettes d’Alalah confirment l’uniformité des us et coutumes de la diaspora hourrite.

 

  La terre d’origine des Patriarches pourrait ainsi être localisée dans la vallée du Habur : lors de cette période, Nuzi était constituée d'une communauté hourrite ; de plus, la zone d’Harrân, d’où Abraham émigra vers Canaan et où Jacob rejoignit la demeure de Laban, se trouve aux confins du royaume de Mitanni. Or, ce royaume incluait le territoire de Paddan-Aram, d’où est partie la branche araméenne de la famille des Patriarches ; on peut prendre en considération la possibilité d’un arrière- fond littéraire hourrite pour Genèse, XIV. Du pays d’Harrân, Abram émigra vers le Bas Pays – Canaan (Gen., XII, 1) – et s’installa près d’Hébron, tandis que Lot gagnait la région de

la Mer Morte.

Lorsque Lot fut capturé par des envahisseurs, Abraham vint à son secours.

La Bible

, en évoquant Lot, ancêtre des Ammonites et des Moabites, nous invite à admettre que ce mouvement a coïncidé avec celui d’autres groupes de pasteurs. Cette migration paraît avoir fait partie d’un déplacement de populations vivant en bordure du désert syrien, et ce déplacement lui-même semble avoir accompagné ou suivi un mouvement de groupes sédentaires, à savoir peut-être celui des Hourrites, originaire du Nord. Plusieurs passages de l’Ancien Testament paraissent liés aux souvenirs de populations pré-israélites ; certains ont un caractère nettement historique, tandis que d’autres paraissent en revanche légendaires ou mythiques (cf. Gen., XV, 18-21).

 

Concernant l’origine et le développement de l’écriture alphabétique dans cette région, le point de cristallisation reste Ougarit, où est apparu l’alphabet. Il est aussi possible que cette cité portuaire ait pu être influencée dans ce domaine par un autre centre culturel syrien. Le corpus des documents cananéens cunéiformes est établi lorsque la « révolution alphabétique » apparaît en Canaan. Une tablette en cunéiforme alphabétique, datée de la fin du XIIIe ou du début du XIIe siècle, a été retrouvée sur le site de Ta‘anek, où avaient déjà été mises à jour des tablettes cunéiformes syllabiques plus anciennes, proto-sinaïtiques, portant des noms hourrites et indo-aryens.

 

C’est probablement à la fin du Bronze Récent qu’a été systématisée pour la première fois l’écriture alphabétique linéaire dont on a trouvé quelques fragments à Lakish, à Gézer, à Sichem. Cette nouvelle tradition scribale est à l’origine des attestations sporadiques de l’écriture alphabétique cananéenne, puis, vers l’an 1000 avant notre ère, des écritures phéniciennes et paléo-hébraïques. L’écriture hébraïque de

la Bible

est l’héritière directe de cette nouvelle tradition. Bien que le système d’écriture ait fondamentalement changé, ainsi que le matériel d’écriture, la tradition survécut grâce aux scribes cananéens qui écrivaient en caractères cunéiformes: les scribes du début de cette nouvelle ère alphabétique étaient les descendants d’une génération qui avaient déjà appris le « savoir-faire » littéraire cananéen, à la fois cunéiforme et alphabétique. Il est probable que cette génération de scribes ait pris part à cette élaboration spirituelle, culturelle et linguistique israélite que représente l’Ancien Testament. Le plus ancien document alphabétique hébraïque est l’ostracon de ‘Izbet Sartah, daté des XIIe-XIe siècles. Cet ostracon pourrait s’inscrire dans la continuité des traditions scribales évoquées. De façon générale, l'invention de l'écriture alphabétique eut un impact décisif sur l'évolution de ces nouvelles sociétés.

 

   Des influences hourrites, qui ont pu pénétrer la culture levantine à travers plusieurs courants (Mitanni, Habur, Syrie et Palestine), peuvent être dégagées dans le domaine des arts, dans les pratiques sociales et dans certaines phases de la vie intellectuelle, aussi bien en Syrie qu’en Palestine. La glyptique hourrite peut aussi nous éclairer sur certains points. Les fouilles archéologiques semblent avoir mis en évidence certains contacts entre

la Palestine

et les régions « hourritisées » pour cette période: des objets pouvant être considérée comme mitanniens se retrouvent en Palestine, et le site de Megiddo a révélé des cylindres de Nuzi et de la poterie voisine de celle qu’on peut trouver en Haute-Mésopotamie. Parmi les motifs traités dans la glyptique mitannienne, le plus répandu est celui de l’arbre sacré, emblème du culte mésopotamien de fertilité et symbole de Dumuzi-Tammuz. Le disque ailé, qui est un thème classique assyrien, est supporté par des génies, comme à Tell Halaf. Des scènes de musique, des danses variées, exécutées avec des sortes de masques de griffons, des rondes, des défilés militaires, des exercices acrobatiques, peuvent avoir un caractère rituel ou conjuratoire. Le serpent est également présent, et un culte rendu à cet animal laisserait supposer une influence cappadocienne. Sur une empreinte se voient des mains coupées, thème syro-égyptien.

 

 Ainsi, le Mont Carmel, promontoire s’avançant en Méditerranée, marquait la limite entre les territoires des royaumes d’Israël et de Tyr. A ce titre, il constitua un point de contact décisif entre différents peuples porteurs de cultures variées. C’est très logiquement qu’il constitua le lieu du combat entre Yahweh et Baal (1 R 18), révélant l’importance d’un site sur lequel se tenait le maître des éléments atmosphériques. Un culte dédié au Zeus Héliopolitain du Carmel à l’époque hellénistique et romaine confirme le caractère ancestral de l’occupation d’un mont que les Egyptiens appelaient le « Cap Saint ». Le rituel auquel Elie s’adonna en ces lieux évoquait très précisément la fécondité du sol et l’arrivée de la pluie. Ainsi, chacune des populations qui abordèrent ce rocher emblématique prit conscience de l’exemplarité du Ginti-Kirmil, dont le nom est relié à l’hébreu kêrem El, « le verger, le vignoble de El ».

 

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